“Ce que nous avons à dire aux Marocains, c'est qu'ils sont venus dans ce pays et l'ont occupé en 1975. Nous continuons toujours à revendiquer notre indépendance, ni plus, ni moins. Il y a beaucoup d'oppression. La police secrète est partout. Il n'y a pas de liberté d'expression”.
Déclaration de Rachid Ahmed Mahmud Salama à la BBC en avril 2009, ses paroles sont toujours d’actualité.
À 2 heures et demie du matin, le 17 juin 2023, le défenseur des droits de l'homme Rachid Ahmed Mahmud Salama (également connu sous le nom de Rachid Sghayer), a fait l'objet d'une tentative de meurtre par trois colons marocains qui l'attendaient devant sa maison dans la ville de Dajla (anciennement Villacisneros). Les trois agresseurs l'ont attaqué avec des armes blanches, dont une machette, sur différentes parties du corps, causant des lésions et des blessures graves au visage et à la main. Il a été transporté à l'hôpital d'El Aaiún (capitale du Sahara occidental) où il a été opéré, avec un certificat médical d'incapacité pour 120 jours. Actuellement, il est hors de danger et a pu retourner dans sa ville natale Dajla où il a reçu un accueil chaleureux de soutien et de solidarité des citoyens sahraouis. Les trois agresseurs n'ont été ni identifiés ni arrêtés, bien que l'un d'entre eux ait été décrit par Rachid puisqu'il le surveillait constamment dans déplacements depuis plusieurs jours. Dans les cas similaires d'agression, de meurtre ou de graves violations des droits de l'homme et des crimes de guerre, les auteurs intellectuels et/ou matériels marocains ont toujours bénéficié de l’impunité totale.
Le défenseur des droits de l'homme Rachid Ahmed Mahmud Slama est originaire de la ville de Dakhla, né en 1976. Il est membre de l'organisation Front Line Defenders et impliqué dans les médias sociaux pour sensibiliser la population sahraouie sur ses droits, en particulier le droit à l'autodétermination du peuple sahraoui.
Rachid a une longue histoire d'activités en faveur des droits de l'homme et de l'autodétermination du peuple sahraoui. À cause de cela, il a subi de nombreuses représailles, intimidations, agressions et détention arbitraire. En avril 2009, il a été enlevé et agressé par des agents marocains pour avoir accordé une interview à la BBC britannique(1).
Le 8 octobre 2009, il a été arrêté à l'aéroport de Casablanca, aux côtés de 6 défenseurs et activistes sahraouis, alors qu'ils revenaient d'une visite historique et inédite aux camps sahraouis(2). Il a été libéré "provisoirement"(3), le 17 mai 2010, sans procès ni compensation pour sa détention arbitraire et les tortures subies lors de son enlèvement illégal.
Récemment, Rachid Sgheyer a été fortement impliqué dans les enquêtes sur de graves violations des droits de l'homme, notamment la disparition forcée du citoyen Lahbib Ahmed Hmiti (connu sous le nom de Lahbib Aghrichi), une affaire qui est entre les mains du Comité des Nations Unies contre les disparitions forcées.
L'Association des Familles des Prisonniers et Disparus Sahraouis (AFAPREDESA) craint que l'agression brutale et la tentative de son assassinat ne soient liées aux activités de Rachid Ahmed Mahmud Slama en faveur de la défense des droits de l'homme dans les territoires sahraouis occupés.
AFAPREDESA condamne fermement cette brutale agression commise à l’encontre du défenseur des droits de l'homme et exhorte le Royaume du Maroc, en sa qualité de puissance occupante, à :
- Respecter scrupuleusement les droits de la population civile sahraouie, conformément aux conventions de Genève et à leurs protocoles additionnels, et à traduire les responsables devant la justice.
- Mettre fin aux graves violations, aux intimidations, aux harcèlements, aux arrestations arbitraires, à la torture et aux mauvais traitements, aux crimes de guerre contre la population civile sahraouie, en général, et contre les défenseurs des droits de l’homme, en particulier.
- Permettre, sans retards additionnels, le libre accès aux territoires occupés du Sahara occidental, aux observateurs internationaux et aux organismes humanitaires, très particulièrement au Comité international de la Croix-Rouge.
AFAPREDESA demande au gouvernement espagnol(4) de prendre les mesures diplomatiques et politiques nécessaires pour protéger la population sahraouie dans les territoires occupés du Sahara occidental contre tout abus, comme l'exige sa mission sacrée en tant que puissance administrative du Sahara occidental, conformément à la Charte des Nations Unies.
AFAPREDESA demande vivement aux Nations Unies de mettre en œuvre, sans plus tarder, ses résolutions sur le Sahara occidental, en particulier d'adopter "des mesures indépendantes et fiables, telles que prévues dans les rapports du Secrétaire général, les résolutions du Conseil de sécurité et de l'Assemblée générale de l'ONU, qui assurent le plein respect des droits de l'homme, en tenant compte des obligations des parties. Pour ce faire, il faut élargir promptement le mandat de la Mission des Nations Unies pour le référendum au Sahara occidental (MINURSO) à la surveillance des droits de l'homme. En même temps, il est urgent de reprendre les visites du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme, paralysées depuis 2016.
AFAPREDESA demande également à l'Union européenne de prendre les sanctions appropriées contre l'État marocain tant qu'il ne respecte pas les standards de droits de l'homme prévus dans les accords d'association avancée avec le Royaume du Maroc.
AFAPREDESA lance un appel urgent aux organisations internationales des droits de l'homme à s'impliquer davantage pour mettre fin aux violations graves et systématiques des droits de l'homme au Sahara occidental.
Enfin, l'Association des familles des prisonniers et disparus sahraouis(AFAPREDESA) demande au Comité international de la Croix-Rouge de prendre des initiatives á même d’aider les victimes des crimes de guerre et de graves violations du droit international humanitaire au Sahara occidental, conformément à ses propres statuts et à sa mission humanitaire dans le monde.
Fait à Chahid El hafed Buyemaa, le 26 juillet 2023.
(1) La BBC en rendra compte, le 20 mars 2010. Voir lien : http://news.bbc.co.uk/1/hi/world/africa/8575448.stm
(2) Première visite de défenseurs des droits de l'homme des territoires occupés dans les camps de réfugiés depuis 1975. Les familles sahraouies sont séparées depuis le début de l'invasion, et elles peuvent que rarement se retrouver.
(3) Les autorités marocaines ont souvent recours à ce mode operandi pour ne pas justifier la détention arbitraire ou la torture et les mauvais traitements subis par les victimes.
(4) En application de la légalité internationale en vigueur et les propres résolutions des tribunaux espagnols, en particulier l'ordonnance 40/2014 signée de la main du magistrat et actuel ministre de l'intérieur espagnol Fernando Grande-Marlaska qui réaffirme que : « L'Espagne. en sa qualité de puissance administrative et en tant que telle, jusqu'à la fin de la période de décolonisation, a les obligations énoncées aux articles 73 et 74 de la Charte des Nations Unies, y compris donner protection, y compris juridictionnelle, à ses citoyens contre tout abus, pour lequel elle (Espagne) doit étendre sa juridiction territoriale à des faits tels que ceux qui se réfèrent dans la plainte à laquelle la présente procédure est contractée»